Comme l’a illustré la mésaventure récemment arrivée à l’avion Falcon 900 de Grant Shapps, le ministre britannique de la Défense, alors qu’il volait au large de Kaliningrad, la circulation aérienne et maritime dans la région de la Baltique est affectée par des perturbations des signaux de géolocalisation par satellites [GNSS – Global navigation satellite systems] depuis plusieurs semaines. Cela ne serait pas sans lien avec les dispositifs de guerre électronique [Krasukha-S4, Tobol, etc.] mis en oeuvre par les forces russes dans le secteur.
Il existe deux méthodes pour rendre un système de navigation par satellite inopérant : le brouillage pur et simple et l’usurpation des signaux [ou « spoofing »], qui consiste à envoyer de fausses données dans le but d’induire un aéronef ou un navire en erreur. Avec les sites permettant de suivre le trafic aérien et naval à partir de coordonnées GNSS, cette technique peut être utilisées à des fins de propagande.
De tels modes opératoires ne sont pas nouveaux. Aussi, dès 2014, le ministère des Armées a élaboré le programme OMÉGA [pour Opérations de Modernisation des Équipements GNSS des Armées], afin de développer une capacité « autonome » de géolocalisation par satellite, en ayant recours à plusieurs systèmes, dont le GPS américain, le Galileo européen et le… Glonass russe.
Ce programme a été officiellement lancé en mai 2019 par Florence Parly, alors ministre des Armées, avec une enveloppe de 272 millions d’euros. « Omega permettra de faire face aux futures menaces d’interférence et de brouillage de notre radionavigation par satellite à partir de 2023, en tirant parti des performances et de l’indépendance de Galileo », avait-elle soutenu à l’époque.
Dans le cadre de ce programme, un officier de la Section technique de l’armée de Terre [STAT] et un ingénieur de la Direction générale de l’armement [DGA] développèrent P3TS, c’est à dire un récepteur de signaux de géolocalisation par satellite « multi-constellations », compatible avec les postes radio tactiques [PR4G] et le Système d’information du combat de SCORPION [SICS].
Retenu par la Cellule Innovation Participative [CIP] de l’Agence de l’innovation de défense [AID] en 2020, le récepteur P3TS [pour Plug and Play Positioning & Timing System] devait alors permettre de géolocaliser des véhicules amis [et d’éviter les tirs fratricides], d’améliorer le coordination des opérations et de se prémunir contre le brouillage des signaux GNSS en changeant, le cas échéant, de constellation. Ce projet « a l’avantage de répondre au besoin opérationnel avec des solutions matérielles et logicielles souveraines tout en maîtrisant les coûts », avait-il été alors avancé.
Quatre ans plus tard, le projet P3TS va passer à la phase d’industrialisation, la DGA ayant mandaté l’entreprise Eviden, filiale du groupe Atos pour le « passage à l’échelle » de cette solution.
Ce mandat, explique Eviden, comprend « la gestion du projet, les développements nécessaires au passage à la phase de prototypage, industrialisation, déploiement et soutien opérationnel ». Un partenariat avec la société FDC, experte en « positionnement, navigation et synchronisation », a été noué en vue de mettre au point une « solution innovante de navigation par satellites incluant des dispositifs de détection de brouillage et de leurrage ».
« Ayant la capacité de recueillir les signaux de géolocalisation par satellite des constellations GPS et GALILEO », le P3TS » est le premier récepteur militarisé français offrant une telle polyvalence et assurant ainsi une précision géographique inédite et une synchronisation fiable des réseaux radio tactiques. Il équipera les véhicules qui ne sont actuellement pas dotés de GPS militaires notamment pour les entraînements ou les théâtres d’opérations stabilisés », a précisé l’AID, qui, au passage, a gommé toute référence au Glonass russe.`
par Laurent Lagneau · 21 mars 2024
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