Ces dernières semaines, toujours marquées par la crise sanitaire et les controverses qui l’accompagnent, furent l’occasion, si besoin était, de nous rappeler, via les rapports Stora et Duclert sur l’Algérie et le Rwanda, l’importance de l’étude de l’Histoire.
Importance car, d’abord, il y va de la vérité des faits et importance dans la mesure où l’Histoire est devenue plus que jamais un enjeu des combats politiques et idéologiques livrés au sein des nations ou menés sur la scène diplomatique. De ce point de vue nous sommes bien loin de la pacification des esprits par le marché que d’aucuns espéraient ou, pour notre pays, de l’avènement d’une démocratie apaisée rêvée par un président récemment décédé.
Toutefois, au-delà du fracas des affrontements, reconnaissons de façon positive que ce retour sur des événements passés et leur exploration à nouveaux frais tranchent avec le culte de l’éphémère qui caractérise la société « liquide » post-moderne et où le temps ne vaudrait que par l’acte éphémère de consommation d’individus esseulés et d’une certaine façon amnésiques. On doit même se féliciter de ce qui apparaît comme une résistance de l’Histoire, avec son épaisseur, sa densité, sa dramatique et les interrogations fondamentales qu’elle nous lance en ce début de XXIe siècle et qui touchent à un « pourquoi » qui peut nous éloigner de l’utilitarisme dominant.
C’est à la lumière de ces considérations et dans la droite ligne des motifs qui ont présidé à sa création, et en cohérence avec ses statuts, que l’ASAF est présente dans les débats générés par ces rapports. Elle est animée du souci premier que soit défendu l’honneur de l’Armée française, dans toute l’acception de ce vieux mot inscrit sur nos drapeaux et sur nos bâtiments de guerre ; l’honneur dont Alfred de Vigny écrivait qu’il maintient toujours et partout la dignité personnelle de l’homme et dont le philosophe Gabriel Marcel nous disait qu’il ne peut pas être seulement de « sauvegarde » mais qu’il doit être aussi de « générosité », c’est-à-dire ouvert au service de la communauté nationale.
Quant à la mémoire, la « cancel culture » ou culture de l’effacement, est venue, avec une brutalité extrême, l’imposer comme objet d’affrontement à une opinion publique française que l’on sent médusée. Ce phénomène venu des États-Unis, très présent dans les universités d’outre-Atlantique, n’est pas sans cousinage avec la philosophie de la déconstruction des Derrida, Foucault ou Deleuze, maîtres à penser des années 60 à 80 ; il vise à éliminer de nos paysages, de notre histoire et de nos âmes toute trace d’un passé décrit comme détestable et dont la mémoire doit être damnée. Il n’est en réalité pas nouveau dans l’Histoire mais la puissance des moyens de communication contemporains lui donne une portée et une résonance singulière.
Soyons très attentifs à ce phénomène porté par le rêve d’un monde parfait et nourri d’une idéologie frustre étrangère à tout souci de la vérité historique : en ces temps de fragmentation de la société, de revendications minoritaires et de repentances maladives, il ne pourra, en s’étendant par le biais de stratagèmes terrorisants, qu’amplifier l’ensauvagement rampant qui déjà mine notre pays.
Face à ce péril barbare, nous avons le devoir impératif de sonder nos mémoires individuelles et collectives pour y retrouver, et sans nier ce que l’humaine nature y a déposé de sombre, les traces du Beau, du Vrai et du Bien et les marques du génie, de l’héroïsme et du sacrifice, obscurs ou déployés au grand jour : ce sans quoi aucune civilisation ou société ne peut espérer durer. Et d’ailleurs, y aurait-il même une armée digne de ce nom qui n’ait pas comme ultime finalité de servir ce qui précisément fait traverser les siècles à une communauté nationale ? Au moment où l’on s’interroge sur la conservation de la mémoire des générations du feu qui peu à peu nous quittent, ayons donc la volonté, face aux nouveaux iconoclastes, de transmettre ce que nos anciens, confrontés aux aléas de l’Histoire, ont fait de meilleur au service des valeurs et vertus les plus hautes.
« Ce qui a été conservé et sauvé ne l’a pas été en vain. Il est des œuvres et des pensées qui se prolongent au-delà de la tombe. Il est toujours des mains pour recueillir et transmettre le flambeau. Et pour les renaissances il est encore de la foi. » (Jacques Bainville, en conclusion de son discours de réception à l’Académie française, le 7 novembre 1935).
La RÉDACTION de L’ASAF
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